
Rencontre avec Marine Falk Leplat, peintre des paysages intérieurs de la psyché.
Peintre, psychothérapeute et ex-comédienne… Marine Falk Leplat est une artiste française aux multiples facettes, qu'elle incarne dans ses créations d'influence Art brut. Le fil rouge de sa création : la psyché humaine.
Ses tableaux sont le témoin de ses émotions les plus viscérales, de ses rencontres avec l'humain dans sa pluralité et ses contradictions, mais aussi de ses face-à-face avec la toile. Sur ces morceaux de tissu encore vierges de vie, Marine sait peindre, dans la bonne humeur, les tourments de l'existence.
Découvrez le portrait de Marine Falk Leplat, une artiste française à la création brute et riche de sens !
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
Je m'appelle Marine Falk-Leplat, 61 ans, une grande sénior ! Ravie, j'aime bien cet âge-là. Je me sens assez jeune.
J'ai été comédienne, jusqu'à l'âge de 35 ans, surtout au théâtre. Et puis j'ai arrêté, parce que je n'aime pas être sur scène, cette visibilité... Moi, j'aime vraiment être dans cet espace intérieur.
J'ai fait de la socio dans des agences de pub, j'étais directrice d'études. J'étudiais le comportement des gens. Il y a ce fil rouge, quand même. Même le théâtre, c'était d'incarner les personnages, d'incarner la psyché. Les tensions humaines… De quoi est fait l'humain ? C'est cette curiosité, comme un voyage... D'ailleurs, je voyage assez peu. Je n'ai pas tellement eu besoin de découvrir le monde. De rencontrer quelqu'un, de voir la différence des gens, toutes ces singularités, ça me passionne.
D’où te vient le déclic artistique ?
Petite, j'avais des espaces imaginaires. J'étais une enfant très seule et ça me permettait d'avoir un espace à moi, où je pouvais vivre. Je peignais... Je n'ai jamais dessiné. C'était la couleur, la couleur, la couleur. Je ne dessine d'ailleurs pas très bien. C'était comme une capacité à créer un monde qui me plaisait.
Très vite aussi, j'écrivais. Il y avait une balance pour moi entre l'écriture et la peinture. C'était vraiment comme une thérapie. Je m'intéressais au processus. J'avais besoin de cet exercice-là, de peindre sur papier. Et puis je reprenais mes papiers, je déchirais.
C'est très récent. Enfin... Ça fait 6 ou 7 ans que je peins sur toile, et que disons, je suis devenue peintre. D'ailleurs, je ne suis pas que peintre. J'ai un autre métier à côté. Je suis psychothérapeute. Et j'adore les deux. J'ai besoin des deux. Je ne pourrais pas lâcher mon métier de psychothérapeute. J'aime accompagner les gens. J'aime ces paysages intérieurs. J'aime ce travail-là. Ils sont vraiment interconnectés.
Quelles sont tes sources d’inspiration majeures ?
Sur le plan artistique, il y a quand même des figures. Il y a Bacon... Je peux rester une journée devant un tableau de Bacon. Ça m'inspire et je sens cette réalité qui est tordue, qui est bouleversée, mais qui en même temps est tellement vrai, ailleurs. Basquiat aussi m'a beaucoup impressionnée. Ensor aussi, j'adore. Oh Egon Schiele, j'adore aussi ! Et Giacometti ! Il faudrait plutôt que je cite les peintres qui ne me parlent pas. Il y a quand même des personnes, pour lesquelles je sens que je pourrais être dans leur planète. Elles sont plus proches.
Quel est ton processus de création ?
C'est plus sur moi, la peinture. C'est vraiment un endroit, de moi à moi, de mon paysage intérieur. Qu'est-ce qui, tout d'un coup, va sortir de moi, va surgir, va émaner ? Je peux dire que j'ai trois modes d'accès différents. Soit je pars d'une pulsion de trait, presque de la calligraphie. D'ailleurs, j'ai des toiles un peu japonisantes par moments.
Et puis j'ai aussi, je dirais, le mode de fonctionnement chaotique, où je mets des traits, je mets de la couleur, des tâches, des choses, et je refuse de donner une forme. Peut-être que je suis dans quelque chose d'abstrait à ce moment-là. Et puis, tout d'un coup, je laisse émerger. Je vois une forme et ça m'emmène quelque part. Alors ça, c'est un mode que j'aime beaucoup aussi.
Celle-là, elle est sortie très, très vite. Je pense que j'étais très irriguée par ce qu'il se passait en Ukraine. C'est une toile récente. C'est une série qui s'appelle Impact à la frontière contact. C'était ce visage, ce visage abîmé, cette force de la résistance aussi. Des coups qu'on reçoit, mais on tient. Il y avait quand même quelque chose qui m'irriguait de l'actualité.
Pourquoi as-tu choisi de peindre à l’acrylique ?
C'est vrai que l'acrylique m'emmène vers quelque chose de plus brut. Elle a un impact sur ma peinture. C'est vraiment aussi une volonté de dire c'est ça et pas autre chose. Ce que j'ai envie de dire, là, maintenant. Elle a quelque chose de brut, qui me va pas mal, moi, avec mon côté un peu art brut.
Donc tu fais de l’art brut ?
Si je me définissais aujourd'hui, ce serait de l'art singulier, de l'art brut. Le fait de ne pas avoir de formatage du tout. J'ai beaucoup de portraits quand même. Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Assez peu de paysages. Mais il y a le couple ! Comment quelqu'un peut se faire complètement manger par quelqu'un d'autre ? Comment quelqu'un peut renoncer à exister ? Comment peut-on être sur terre et choisir de ne pas exister ? Les humains sont capables de ça, d'être vivants, de vivre toute une vie et de ne pas exister !
Et toi, qu’est-ce que tu fais te sentir vivante ?
Ce qui me fait exister, dans cette démarche de vouloir être existante… Le fait de peindre me connecte à quelque chose de très vivant. Moi, j'ai la peinture quand même très joyeuse. Ce n'est pas un accouchement dans la douleur. Il y a quelque chose de très vivant et ça m'aide à exister quand même, je pense.