
© RAS, Untitled #7 (2016)
Qu'est-ce qui fait la valeur d'un tableau ? Une question éternellement renouvelée ! Si les grands chefs-d'œuvre classiques ont l’art et la manière de mettre tout le monde d’accord, la création contemporaine pose davantage de questions à bien des égards. Quand l’objective prouesse technique n’est plus nécessairement reconnaissable, ou qu’un·e artiste passe de l’ombre à la lumière en un clin d’œil, il est légitime de se demander quels sont les facteurs déterminant leur valeur. Malgré le flou artistique qui règne couramment sur cette interrogation, il existe bel et bien des réponses concrètes !
Valeur d’une œuvre : de quoi parle-t-on ?
Ces dernières années, des œuvres d’art ont littéralement crevé le plafond des enchères. Le marché de l’art ne se serait jamais aussi bien porté. Est-ce à dire que les artistes d’aujourd’hui sont meilleur·e·s qu’auparavant ? Rien n’est moins sûr, iels sont juste différents. Pourtant, leur valeur marchande explose tous les records. Mais comment l’expliquer ? Qui a le pouvoir de décider de leur valeur ? Et surtout, qu’est-ce que la valeur d’une œuvre d’art ?
Lorsque l’on parle de valeur, il peut s’agir de :
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La valeur de l’authenticité, liée à l’attribution officielle d’une œuvre à un artiste de renom
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La valeur technique, selon des critères artistiques propres à l’histoire de l’art
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La valeur sentimentale, attribuée de manière subjective par une personne attachée à l’objet
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La valeur marchande, soit la cote chiffrée obtenue sur le marché de l’art, qui nous intéresse dans cet article
Mais aussi la valeur liée à la spiritualité, à la virtuosité… Il n’existe donc pas « une » valeur unique propre à l’œuvre d’art, mais un continuum de valeurs plurielles.
Qui décide de la valeur d’un tableau ?
Selon l’historien d’art anglais Alan Bowness, différents acteurs du monde de l’art peuvent déterminer les conditions du succès d’une œuvre :
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Les pairs et artistes, capables de reconnaître la qualité d’une œuvre novatrice
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Les institutions publiques et spécialistes de l’art privés, tels que les critiques, les commissaires d’exposition, les historien·ne·s de l’art, les conservateurs…
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Les marchand·e·s d’art, les collectionneur·se·s, galeristes et commissaires d’exposition, acteurs majeurs dans les chamboulements les plus spectaculaires du marché de l’art
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Le grand public, amateur d’art dont l’influence est croissante à l’ère des ventes aux enchères en ligne
Les deux acteurs principaux du marché de l’art sont les maisons de vente aux enchères et les marchand·e·s d’art. Ce sont les entités que l’on retrouve le plus souvent aux origines de la reconnaissance de la valeur d’une œuvre. Elles font le prestige d’un tableau non seulement en imposant le prix de départ - qui donnera le ton - mais aussi en faisant jouer un élément fondamental : la concurrence. Les spéculations qui en découlent font les montagnes russes de l’offre et de la demande.
C’est ainsi que l’on voit certaines œuvres cédées à des prix largement supérieurs aux estimations initiales. Coup de cœur ou collection à compléter, les raisons sont multiples. Dès lors, la valeur marchande du tableau devient sa valeur artistique intrinsèque, ce qui heurte la sensibilité de certain·e·s amateur·rice·s d’art.
La cote d’un tableau peut donc être définie par une autorité compétente dans le monde de l’art, tout comme un collectionneur passionné prêt à débourser d’innombrables millions pour l’acquérir.
La temporalité, un autre facteur majeur dans la valeur d’un tableau
Dans le monde de l’art, en perpétuelle mutation, l’œuvre de renom d’aujourd’hui n’est pas nécessairement celle de demain. Et inversement, un tableau décrié de son temps peut atteindre des sommets de manière posthume. Le peintre Van Gogh n’aurait vendu qu’une modeste toile à 400 francs de son vivant, La Vigne Rouge. Aujourd’hui, la plupart de ses tableaux sont entrés dans le patrimoine culturel des musées, leur conférant une valeur inaliénable.
Une œuvre peut donc profiter d’une valeur immédiate, qui s’éteindra peut-être dans le temps, ou au contraire, voir sa cote gonfler au fil des années. C’est notamment le cas des maestros comme Léonard de Vinci, que tous les grands acteurs de l’art s’arrachent. Rien d’étonnant alors à ce que le tableau le plus cher du monde lui revienne. De plus, toutes les toiles d’un même artiste n’ont pas la même valeur. Il peut par exemple s’agir d’une valeur ajoutée liée à la période historique durant laquelle elles ont été réalisées.
Les œuvres ayant traversé les siècles sont soumises à une autre réalité temporelle : celle de la détérioration. Parfois d’une valeur culturelle inestimable, elles perdent en valeur marchande du fait de leur état matériel. Un tableau de maître conservé dans de mauvaises conditions chez un particulier nécessitera un travail de restauration pour retrouver son éclat d’antan, et, a fortiori, sa valeur.
La valeur d’un tableau dans l’art contemporain
À l’époque contemporaine, la valeur d’un tableau semble s’être déplacée. La valeur artistique aurait été substituée par la capacité de l’artiste à transgresser les codes. La cote d’une œuvre disruptive peut ainsi grimper en attirant l’attention de riches collectionneurs en quête de nouvelles sensations.
Il existe effectivement une nouvelle catégorie d’acteurs particulièrement influents derrière les fonds d’investissements et les grandes fortunes. Ils ont créé la cote des grandes stars internationales de l’art contemporain tels que Damien Hirst ou Jeff Koons, aux côtés des maisons de vente aux enchères.
La valeur d’une œuvre n’est donc ni objective ni subjective, mais le fruit d’une conjoncture particulière liée à son contexte de vente.
Hors de ces étroits et puissants réseaux, certain·e·s artistes parviennent à émerger grâce la reconnaissance des institutions publiques (centres d’art régionaux, FRAC…) ainsi que des galeries et des plateformes digitales. Ces jeunes talents prometteurs n'accèdent à la fortune et à la gloire qu’après avoir été reconnus par les acteurs privés, auteurs des pratiques spéculatives et ostentatoires du marché de l’art.
Au-delà de ces rivalités marchandes, il existe encore des artistes et des amateurs d’art qui créent et collectionnent par amour de l’art. La valeur affective y est prédominante, et la cote plus raisonnable. Elle peut être estimée par l’artiste en personne, ou des spécialistes offrant leurs services d’expertise. Ce marché artistique est plus que jamais accessible à tous et à toutes.
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