10 choses à savoir sur Artemisia Gentileschi

Publié le 12 Mar 2024

Rares sont les femmes peintres à être parvenues à se faire un nom durant la Renaissance, et dont la réputation résonne encore aujourd’hui. Artemisia Gentileschi est l’une d’elle.

 

Née en 1593 à Rome en Italie, Artemisia a marqué son temps de son talent et de son parcours de vie atypique. Longtemps tombée dans l’oubli, la peintre audacieuse est désormais réhabilitée par l’histoire de l’art et le marché de l’art. 

 

Découvrez 10 choses à savoir sur Artemisia Gentileschi, peintre féministe du 17ème siècle ! 

1. Elle débute sa carrière d’artiste auprès de son père 


La vie d’Artemisia Gentileschi a débuté de manière atypique. Elle perd sa mère à seulement 12 ans, tandis que son père, peintre réputé et ami de Caravage, la prend comme apprentie dans son atelier. C’est la seule “garzone” du quartier, et plus douée que ses propres frères, elle s’occupe des toiles de son père. La jeune artiste en herbe s’imprègne très vite du chiaroscuro et pose les fondations de sa carrière.

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les vieillards, 1610

2. Artemisia Gentileschi a gagné le procès contre son violeur

 
Dans son parcours de vie mouvementé, un épisode a particulièrement marqué la jeune Artemisia. Il s’agit du drame qu’elle a vécu à l’âge de 17 ans, le viol perpétré par Agostino Tassi, l’associé de son père. En conséquence, ce dernier l'assomme de demander sa fille en mariage, ce qu’il refuse. Un procès s’ensuit, ternissant sa réputation et son intégrité, elle sera humiliée et torturée. Artemisia Gentileschi obtient finalement gain de cause, le violeur est condamné, bien qu’il n'aurait jamais purgé sa peine. Cet événement marque intimement la jeune fille et son œuvre. 

3. C’est une peintre féministe

 
Ce n’est donc pas un hasard si Artemisia Gentileschi est considérée comme une peintre féministe. L’année de son viol, elle peint Susanne et les vieillards (1610), une toile représentant la prédation masculine envers les femmes. Serait-ce un témoignage des pressions que la jeune fille subissait elle-même de la part de Tassi et d’autres hommes plus âgés du milieu de l’art ? Après son viol, sa représentation de la femme prend une autre tournure. Non plus victime sans défense, elle prend les armes et décapite. Dans Judith et Holopherne (1612), il est supposé qu’elle serait Judith, et Holopherne, son violeur. Une vengeance picturale métaphorique, qui entérine à tout jamais le nom de Tassi aux côtés de son statut de violeur. D’autres tableaux d’Artemisia Gentileschi reflètent une vision féminine, un “female gaze” précurseur, aussi bien qu’un féminisme audacieux au sein d’une société masculine

Artemisia Gentileschi, Judith, et Holopherne, 1612

4. Artemisia Gentileschi est la première femme à avoir intégré la prestigieuse Accademia del Disegno


En 1613, après avoir gagné son procès, elle quitte Rome pour se rendre à Florence où elle connaît rapidement un grand succès. En 1616, elle est la première femme à entrer dans la sélective et prestigieuse académie de dessin, l’Accademia del Disegno. Cet accomplissement lui confère une émancipation unique, elle a ainsi le droit de signer des contrats et de voyager sans son mari. En femme libre, elle voyage et vit à Venise, Londres et Naples, où elle installe son atelier florissant.

 

5. Elle est considérée comme une des premières peintres baroques

A bien des égards, Artemisia Gentileschi n’a pas emprunté le chemin attendu. Alors que les rares peintres féminines de l’époque sont cantonnées au portrait ou à la nature morte, la téméraire Artemisia s’attaque dès ses débuts aux “grands” sujets bibliques ou historiques. Aujourd’hui, elle est considérée comme l’une des premières peintres baroques. Parfaitement consciente des enjeux de son travail, elle écrivait à son commanditaire Antonio Ruffo, en 1649 :
« J'ai bien peur qu'avant d'avoir vu le tableau vous ne m'ayez trouvée arrogante et présomptueuse […] Vous me trouvez pitoyable car avant même de poser les yeux sur son travail, le nom d'une femme soulève des doutes. »

 

6. Artemisia Gentileschi est l’une des artistes les plus célèbres de son temps


Sa célébrité n’est pas que l’affaire du 21ème siècle. Elle était déjà l’une des peintres les plus célèbres de son temps, une prouesse pour une femme du 17ème siècle. Sous le patronage des Médicis et du roi d'Angleterre Charles Ier, elle devient une peintre de cour à succès. Louis XIII, Richelieu, Charles Ier en Angleterre, Philippe IV en Espagne… Tous les rois veulent leur tableau peint des mains d’Artemisia. Face à son talent, le sexisme a été mis sous le tapis.

Artemisia Gentileschi, Autoportrait en allégorie de la peinture, 1638-1639

7. Elle a peint son autoportrait en allégorie de la peinture 

La peinture a défini la vie et l’identité d’Artemisia. Peindre était son don, sa vocation, sa passion. En 1638, elle peint son autoportrait en tant qu’allégorie de la peinture. Elle en reprend presque tous les codes décrits par Cesare Ripa dans son Iconologia : une chaîne dorée autour du cou, de laquelle pend un pendentif représentant un masque, symbole de l’imitation. Elle est vêtue d’une robe d’un vert sombre, et s’applique minutieusement à la tâche, pinceau d’une main, palette de l’autre. L’allégorie de la peinture étant une femme, aucun homme n’avait pu jusque-là peindre un tel autoportrait. Elle a réalisé cette toile alors qu’elle rejoignait son père à Londres, sous invitation du roi Charles Ier. Cette toile incarne donc toutes les facettes de la femme artiste puissante qu’était Artemisia Gentileschi. 

8. Son talent n’a été redécouvert qu’au 20e siècle


Malgré une grande reconnaissance de son vivant, Artemisia Gentileschi sombre dans l’oubli après sa mort en 1653. Nombre de ses œuvres sont alors attribuées à des hommes, notamment à son père et même à Caravage. C’est dans les années 1970 que des historiennes féministes dépoussièrent la vie de cette peintre atypique pour lui redonner ses lettres de noblesse. Ce qui lui appartient lui est réattribué, et elle n’est plus définie que comme la victime de son viol.

 

 

Artemisia Gentileschi, Lucrèce, 1627

9. Artemisia, figure de proue d’une justice féministe dans l’art  

 

Petit à petit, le féminisme rend justice à toutes les femmes oubliées, effacées, écartées de l’Histoire. Car si le destin d’Artemisia était hors du commun, elle n’était pas pour autant la seule femme artiste de son temps. Aujourd’hui, d’autres peintres de l’époque sont réévaluées à travers ce prisme, et notamment grâce à l’ouvrage Dames du Baroque. Femmes Peintres dans l’Italie du XVIe et XVIIe siècles. Des noms tels que ceux de Sofonisba Anguissola ou Lavinia Fontana revoient le jour, dans le sillage ouvert par celui d’Artemisia Gentileschi, désormais un symbole de féminisme. 


10. Le marché de l’art s’empare d'Artemisia Gentileschi 

 

Les prix de ventes des œuvres d’Artemisia atteignent sans nul doute des sommets qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Les adjudications de ses œuvres à plusieurs millions témoignent de l’intérêt porté à son œuvre unique. Un tableau représentant Lucrèce se donnant la mort est réapparu sur le marché de l'art et a été vendu chez Artcurial le 13 novembre 2019 pour la somme record de 4 777 000 euros, établissant ainsi le record mondial des prix atteints en vente publique pour Artemisia Gentileschi. Le précédent record était détenu par un autoportrait d'Artemisia en Sainte Catgerine, vendu en 2017 à 2,3 millions d'euros à l'hôtel Drouot. 

Artemisia Gentileschi, Autoportrait en sainte Catherine, 1617

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Cover © Installation view, “Artemisia” at the National Gallery