Interview de la sculptrice Marie Saksik

Publié le 23 Jan 2024

Marie Saksik sculpte des femmes aux formes déployées. Généreuses, apaisantes, douces, libres, décomplexées, fortes… nombreux sont les adjectifs pour qualifier la nature de ses silhouettes en terre cuite ou en bronze. La galerie Misancene est allée à la rencontre de cette artiste française pour en savoir plus sur son travail. Découvrez son interview !

Marie Saksik, quel est votre parcours artistique ?

 

J’ai toujours été intéressée par le dessin, les travaux manuels. J’ai essayé de nombreuses techniques, de la peinture à la mosaïque. J’ai obtenu une maîtrise à la Faculté d’Aix et je suis devenue professeure d’arts plastiques. Je me suis finalement laissée tenter par la sculpture. J’ai acheté de la terre et j’ai commencé à réaliser de la sculpture académique en réalisant également beaucoup de croquis, en regardant les magazines pour trouver des poses aux élans inspirants. Je me suis formée seule et j’ai petit à petit évolué vers une écriture plus personnelle, moins classique, avec des formes plus souples et plus rondes. C’est ainsi que je suis devenue sculptrice. 

Marie Saksik, Gaby Bleue, 2022

Pourquoi la sculpture ? 

 

J’ai beaucoup pratiqué la peinture, le pastel et d’autres techniques, mais lorsque l’on fait de la sculpture, on touche à la tridimensionnalité. Ce n’est plus un point de vue unique. Ainsi, la création est plus contraignante mais aussi plus prenante : tous les points de vue comptent et doivent être parfaits. La sculpture incite à aller plus loin, à relever des défis. La création implique de résoudre des problèmes, comme faire tenir une sculpture sur la pointe des pieds ! Pour ma part, ce fût un apprentissage autodidacte. C’est en faisant que j’ai appris de mes erreurs, échoué, réessayé, jusqu’à obtenir le rendu souhaité. La sculpture est aussi un travail manuel dans lequel on agit pleinement avec ses mains. C’est un médium qui m’a prise aux tripes.

Quelles influences retenez-vous de vos voyages en Asie ? 

 

Lors de mes voyages en Asie, j’ai découvert des sculptures aux lignes souples, continues, dépourvues d’angles. Les volumes s’enchaînent de manière naturelle et fluide, les courbes sont rondes. Je pense notamment aux sculptures de danseuses en bas-relief d’Angkor Vat, au Cambodge. Ça a été déterminant dans mon parcours car j’ai abandonné le style longiligne académique pour adopter cette rondeur, qui est selon moi un éloge de la féminité, de la douceur et de la maternité. Grâce à cette rondeur, mes sculptures sont apaisantes. Je ne pourrais créer un art torturé. Pour moi, l’art doit faire du bien. Il y a tellement de souffrance dans le monde que je ne veux pas en rajouter mais plutôt apporter du calme. 

Marie Saksik, Olympe, 2022

Quel est votre processus de création ?

 
Je travaille beaucoup seule, dans le silence de mon atelier, accompagnée de mes chats. Le processus de création d’une sculpture est très long. Il me faut en moyenne 6 mois pour un petit format.

 

Je fais beaucoup de croquis, à la recherche d’un mouvement intéressant et d’une harmonie des formes. Souvent, je n’ai pas d’intention de départ. Je dessine partout, tout le temps, parfois d’une inspiration intérieure, mais jamais à partir d’un modèle vivant. C’est très spontané. J’ai l’habitude d’analyser les postures des gens dehors, dans les magazines. Je suis plutôt réservée et observatrice. 

 

Dernièrement, je m’inspire des tableaux classiques de l’histoire de l’art tels que La création d’Adam de Michel-Ange ou Le bain turc d’Ingres. Il y a aussi une photo de Marylin Monroe prise durant le tournage des Misfits, où elle est assise, jambes croisées. J’ai pris sa posture à laquelle j’ai ajouté la tête de la Jeune fille à la perle de Vermeer dans une œuvre que j’expose au Grand Palais en février.  

 

Comment faites-vous vos fontes ?  

 

Je collabore avec une fonderie en Grèce. Ils viennent à Paris environ tous les trois mois et récupèrent mes sculptures en terre cuite qu'ils vont fondre dans leur atelier à Athènes. Nous avons établi une relation de confiance, ils connaissent mes attentes. Je leur demande un rendu lisse, tendu à l’extrême, aussi brillant que possible pour refléter la lumière. 

Marie Saksik, Mathilde, 2022

Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir la terre ?

 

Ma matière première est toujours une terre fine et non chamottée, car plus facile à manier et offrant une faible résistance. C’est en expérimentant que j’ai découvert les particularités des différentes terres. Avec la terre, tout est possible. Il y a aussi le contact direct de la main, qui n’a pas d’intermédiaire comme les outils avec la pierre. La pierre ne pardonne pas, il n’y a pas le droit à l’erreur, tandis que la terre est plus malléable, plus agréable. Ça correspond à mon besoin de douceur. 
 

Et pourquoi sculpter uniquement la femme ? 

 

Je ne sculpte effectivement que des femmes. J’ai déjà reçu la demande d’un mannequin qui souhaitait poser pour moi, mais j’ai été obligée de refuser ! Les corps masculins sont faits de davantage de ruptures, d’angles, de lignes. Or je suis davantage inspirée par les courbes féminines. 


Que signifient les coiffes dont sont ornées vos sculptures ?

 
J’ai ajouté à ces corps de femme des coiffes, à la place des cheveux. Il y a une raison esthétique à cela : les cheveux alourdissent les volumes, tandis que je recherche une simplification des formes jusqu’au bout des pieds. Il m’est arrivée d’être comparée au sculpteur colombien Fernando Botero, mais son travail est “lourd”, alors que je vise une impression de légèreté. D’autre part, ces coiffes ont une signification symbolique. En Asie, c’est une fleur de lotus, un bulbe ou une grenade, qui sont autant de métaphores de force, de fertilité ou de vie. 

Marie Saksik, Diana rouge, 2018

Qu’est-ce qui guide vos choix de coloris ? 

 

Lorsque je ne garde pas la couleur originelle de la terre ou du bronze, je les conçois dans des couleurs vives que je trouve jolies, dynamiques et modernes. Il y a le rouge, symbole de la sensualité féminine, le bleu électrique, qui est pétant et fort. La peinture acrylique souligne et modernise mes sculptures. 

 

Peut-on dire que vous prônez un discours engagé envers les femmes ? 

 

Il est tout à fait possible d’avoir une interprétation féministe de mon travail, bien que je ne souhaite pas l’énoncer frontalement. 

 

Comment qualifier votre travail en 3 mots ?

 
Je dirais douceur, force et féminité. 

 

Y a-t-il une dimension autobiographique dans vos créations ? 


Certaines de mes sculptures ont des postures méditatives, pensives, introverties, secrètes. Je m’y retrouve, bien que je ne cherche jamais à me représenter. À l’inverse, certaines ont des attitudes plus extravagantes et extraverties. Elles incarnent la diversité féminine.

Marie Saksik, Salomé blanche, 2020

Si vous ne deviez garder qu’une seule de vos œuvres, laquelle serait-elle ?

 

J’aime beaucoup les différentes versions de Salomé, dont l’attitude me ressemble. Elle existe en blanc dans sa version terre, en doré et noir dans sa version bronze. La noire est ma préférée. C’est selon moi la plus aboutie, elle reflète à merveille la lumière. 

 


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