Marc Chagall, le "peintre de la surréalité" en 5 oeuvres clés

Publié le 18 Aug 2023

Artiste majeur du 20e siècle, Marc Chagall était surnommé le “peintre de la surréalité” par son ami Apollinaire. Inspiré par la tradition juive de sa Vitebsk natale, par l’amour de sa femme Bella et par la musique, Chagall a aussi connu le traumatisme des deux guerres mondiales et de l’exil. 

Ses toiles baignées de lumière et de couleurs reflètent une vision du monde onirique inlassablement portée par la fascination du divin. Membre de l’École de Paris, Chagall s’est constitué un univers pictural nourri de multiples influences. Cubisme, symbolisme, fauvisme, expressionnisme et surréalisme s’entremêlent dans une oeuvre qui ne ressemble à nulle autre.

Découvrez le parcours de cet artiste hors-du-commun en 5 oeuvres clés !

Marc Chagall, France, août 1934, image © Roger Viollet via Getty Images

La biographie de Marc Chagall

Moishe Segal le 7 juillet 1887, Marc Chagall est né dans une famille juive hassidique près de Vitebsk, en Biélorussie. Malgré l’interdiction de la reproduction d’images par la tradition juive, Marc Chagall découvre l’art dès son plus jeune âge. Un peintre local et ami l’initie au dessin, c’est une révélation pour le futur artiste. 

De 1907 à 1909, il s’exerce auprès de plusieurs académies d'arts à Saint-Pétersbourg, où il découvre les travaux de l’avant-garde parisienne. Dès 1911, son souhait est exaucé grâce à une bourse offerte par l'avocat Vinaver. Il fréquente les grands noms de l’Ecole de Paris : Delaunay, Léger, Modigliani, Cendrars et Apollinaire… Son style se précise alors et incorpore certains préceptes du fauvisme ou du cubisme, la gaité des couleurs et la déconstruction de l’objet. Sa première exposition a lieu en 1914 à Berlin. 

À son retour au pays, la Première Guerre mondiale éclate et le contraint à faire durer son séjour. Il rencontre et épouse Bella Rosenfeld en 1915, le grand amour de sa vie. De leur union naît une fille, Ida. La communauté juive connaît des jours difficiles, persécutée par l’état-major russe, ce qui pousse le peintre à représenter son respect pour le peuple juif dans ses toiles. 

Lors de la révolution bolchévique de 1917, à laquelle il adhère, il se retrouve nommé commissaire aux Beaux-Arts de sa ville. Contraint à quitter son poste sous l’influence des suprématistes, il s’installe en 1920 à Moscou, où il crée le décor du Théâtre juif. Il développe son univers personnel, mêlant suprématisme, futurisme, cubisme, et une vision onirique qui lui est propre. Son modèle principal serait le peintre symboliste Mikhaïl Vroubel et sa tradition mythologique.

Après un séjour à Berlin, il s’installe à Paris en 1923 et crée des illustrations (Fables de la Fontaine, La Bible…) pour le marchand d’art Ambroise Vollard. Il obtient la nationalité française en 1937 afin de fuir l’antisémitisme, mais sera arrêté en 1941 par les nazis. Il parvient à s’extraire de leurs griffes et s’exile aux Etats-Unis grâce à l’aide du journaliste Varian Fry. Il retrouve ses pairs artistes et réfugiés : Léger, Mondrian, Breton… 

Sa bien-aimée Bella décède en 1944. Le chagrin entrave sa capacité à peindre durant de nombreux mois. Il rencontre sa deuxième épouse en 1945, et la troisième et dernière, en 1952.

Après la Seconde Guerre mondiale, Chagall expose à nouveau en Europe. En 1948, il s’installe à Vence, sur la Côte d’Azur. Prolifique, il crée également des céramiques, des sculptures, des mosaïques, des vitraux et des lithographies, des décors et des costumes pour l’opéra qu’il affectionne tant.

Il répond à de nombreuses commandes publiques et privées durant deux décennies. Il réalise des vitraux à Metz, Jérusalem ou New York, le plafond de l’Opéra de Paris, la tapisserie du parlement israélien…  En 1966, il fait don à l’Etat français du Message Biblique.

Marc Chagall créera jusqu'à sa mort, le 28 mars 1985 à Saint-Paul-de-Vence, où il est enterré.

Plongez dans l'univers de Marc Chagall en 5 oeuvres clés

Marc Chagall, Au-dessus de la ville, 1918

Marc Chagall, Au-dessus de la ville, 1918

L’un des tableaux les plus célèbres de Marc Chagall est une autobiographie fantasmée : le peintre survole sa ville natale Vitebsk aux côtés de sa femme Bella. Fou amoureux dès le premier jour, Bella était aussi sa muse. Les silhouettes pleines d'allégresse des amants s'enlacent ici en volant dans les airs, une légèreté qui symbolise l’amour et l’insouciance.

Surplombant les barrières qui bordent la ville, ils semblent à cheval entre deux contrées, à l’image de la vie de l’artiste, contraint à l’exil. Détail étonnant contraste avec le romantisme de la scène : un homme fait ses besoins dans la partie inférieure gauche du tableau. Loin de cette trivialité, le couple flotte dans le ciel, monde spirituel et immatériel.

Dans Au-dessus de la ville, nous retrouvons l’inspiration cubiste dans le corps du personnage représentant Chagall, tandis que les formes de Bella se veulent plus rondes.

Marc Chagall, Le Violoniste vert, 1923–1924

Marc Chagall, Le Violoniste vert, 1923–1924

Cette peinture à l’huile sur nappe à carreaux revêt une histoire particulière. Lorsque Chagall s’est installé dans la célèbre Ruche à Paris, il manque d’argent et ressent le mal du pays. Il utilise alors tout ce qui est à sa portée pour peindre, donc cette nappe à carreaux pour Le violoniste vert. Les motifs se devinent encore derrière le personnage du musicien.

Le violoniste représente une figure centrale dans la vie de Vitebsk, et dans l’iconographie de Chagall. Son visage peint en vert, couleur de l’espoir mais aussi de l’ébriété, rejette toute forme de réalisme et symbolise la vision du réel onirique prônée par Chagall. Flottant dans les airs lui aussi, il surplombe cette fois le toit des maisons. Chagall aurait révélé qu’il s’agissait d’un clin d'œil à l’un de ses oncles, qui avait pour habitude de se réfugier sur les toits pour boire sa kompot, une boisson alcoolisée traditionnelle. 

Marc Chagall, La Crucifixion blanche, 1938

Marc Chagall, La Crucifixion blanche, 1938

Peinte en 1938, en pleine Seconde Guerre mondiale, La Crucifixion blanche fait référence au Christ en tant que martyr juif. En témoin de son temps, il symbolise la persécution des juifs par les nazis avec cette grande figure du Christ en croix, entouré de scènes de guerre, de violence. Un village est pillé, une synagogue incendiée, tandis que des juifs s’enfuient à pieds ou en bateau.

Le Christ n’y est pas représenté de manière classique. En effet, il ne possède pas de pagne mais un châle de prière juif, un linge sur la tête à la place d’une couronne d’épines, un chandelier à ses pieds, et l’inscription latine INRI (Jésus de Nazareth, roi des juifs). Le blanc qui domine le tableau incarne à la fois la couleur de la pureté, du silence et de la mort. Spirituelle et historique, cette toile permet au peintre de prendre position quant aux événements qui secouent ses contemporains. 

 Marc Chagall, Fresque pour le plafond de l’Opéra Garnier, 1964

 Marc Chagall, Fresque pour le plafond de l’Opéra Garnier, 1964

Sous l’impulsion du ministre de la culture André Malraux, le plafond de l’Opéra Garnier à Paris a été recréé gracieusement par Marc Chagall en 1964, assisté de Roland Bierge, Jules Paschal et Paul Versteeg. Vivement critiqué lors de sa création, ce projet suscite toutefois l’admiration. Le décor monumental de 220m2 a été achevé en un an et condense la personnalité de l’artiste alors âgé de 77 ans.

Il revêt les couleurs gaies et lumineuses de Chagall, ainsi que les thématiques de la vie et de la musique, qui lui était chère. Des monuments emblématiques de Paris, des instruments de musique et les portraits de 14 compositeurs d’opéra majeurs voltigent sur ce majestueux plafond. Plus conventionnelle, l'œuvre originelle de Lenepveu n’a pas été détruite et se trouve sous l'œuvre de Chagall protégée à l’aide de panneaux. Le contraste stylistique entre l’architecture du lieu et le style pictural de Chagall inonde l’Opéra d’une lumière joyeuse régulièrement menacée de retrait. 

Marc Chagall, Message Biblique, 1966 

Marc Chagall, Message Biblique, 1966 

L’épopée du Message Biblique par Marc Chagall débute à l’aube des années 1950. Avec pour dessein de redonner vie à la chapelle du Calvaire, alors abandonnée, il imagine une série de peintures sur les thèmes de la Genèse, de l’Exode et du Cantique des Cantiques. Le cycle comprend 17 toiles. Achevé en 1966, le peintre décide finalement de faire don du Message Biblique à l’État français.

D’abord exposé au Louvre, il trouve refuge, à partir de 1973, au musée national du Message Biblique à Nice. Ce centre culturel, spécialement inauguré pour accueillir ces œuvres, est l’un des lieux artistiques phares de la French Riviera. Ce cycle, emblématique du lien au sacré de Chagall, a été enrichi d’un don de 10 tableaux bibliques par le Centre Pompidou et de lithographies de Charles Sorlier. 

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Cover © STAFF / AFP