L'art contemporain en 10 mouvements artistiques majeurs

Publié le 04 Jan 2024

Après la Seconde Guerre mondiale, la société, comme l’art, connaît un renouveau et un désenchantement sans précédent. Le consumérisme et l’industrialisation transforment les modes de production, mais aussi les modes de vie. C’est à partir de la rupture symbolique du Pop art des années 60 que l’art moderne laisse définitivement place à l’art contemporain.

 

Protéiforme, transgressive, multimédia, performative… la création contemporaine est en pleine mutation. Elle questionne et critique son temps : l'idée prévaut sur la représentation de la réalité aussi bien que sur ses qualités esthétiques. Les mouvements de l’art contemporain ont cela en commun qu’ils se pensent autant qu’ils se regardent.

 

Souvent réunis en groupes autour d’essais et de manifestes, les courants de l’art contemporain sont complexes, divers, expérimentaux, et avant tout libres, car l’art contemporain incarne un tournant radical qui rêve de l’éclatement de tous les carcans et interroge l’essence même de l’art.

 

Focus sur 10 mouvements emblématiques de l’art contemporain ! 

L’Internationale situationniste (1957-1972)

Guy Debord, Directive n°1: «Dépassement de l’Art», huile sur toile, 17 juin 1963 (reproduction d’un ektachrome BnF, dpt. Manuscrits, fonds Guy Debord)

Guy Debord, dans la Société du spectacle, déclare que le mouvement Dada voulait “supprimer l’art sans le réaliser”. Le mouvement contemporain de l’Internationale situationniste, fondée en 1957, va plus loin en œuvrant pour une révolution permanente et omniprésente. Le détournement de publicités ou d'œuvres d’art permet aux situationnistes de critiquer la société de consommation, tandis que la pratique de la “dérive” (une déambulation urbaine aléatoire qui questionne les habitudes) remet en question la société du spectacle quotidien.

 

Un geste radical qui tend à déconstruire l’art-même, influencé par le marxisme et le surréalisme. Les artistes du mouvement ont développé des pratiques expérimentales telles que la peinture à l’aide de machines industrielles ou la participation du public dans les métagraphies (Giuseppe Pinot-Gallizio). L’Internationale situationniste a cherché à repenser le rôle de l’art dans la société en faisant la promotion de la force créative de la masse contrairement à son rôle passif.

 

Artistes de l’Internationale situationniste : Asger Jorn, Constant Nieuwenhuys, Pinot Gallizio...

Le happening (1957-fin des années 1960)

Crédits Légende : Capture vidéo © Adagp ; Carolee Schneemann. Courtesy PPOW and Galerie Lelong & Co., New York Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP Réf. image : 4W01298 Diffusion image : l'Agence Photo de la RMN

Le happening est une représentation spontanée qui le distingue de la performance artistique classique. Le temps, l’espace, ainsi que la présence de l’artiste et l’implication des spectateurs.rices sont nécessaires à son existence. Cette forme d’art éphémère, parfois documentée, est un événement unique et non reproductible.

 

Il s’agit d’une libération totale des contraintes artistiques et sociales, qui attire à la fois les peintres, les danseur.se.s, les comédien.se.s, les poète.sse.s. Le terme de “happening” a été utilisé pour la première fois en 1957 par Allan Kaprow. Le mouvement connaît son apogée dans les années 60 pour décliner tout en laissant une empreinte indélébile dans le monde de l’art en élargissant le champ de la création hors de la toile.

 

Artistes ayant pratiqué le happening : Allan Kaprow, Claes Oldenburg, Yoko Ono, Carolee Schneemann, Jim Dine, Red Grooms, Dick Higgins, Nam June Paik, Jean-Jacques Lebel, Wolf Vostell, George Brecht, Marina Abramovic…

Le Nouveau Réalisme (années 1960-1970)

Arman, Long Term Parking, 1985 (concrete and car toys)

L’art contemporain ne cesse d’interroger la distinction entre l’art et le réel. Après s’être affranchi de la toile à travers des actes performatifs, l'art cherche avec le Nouveau Réalisme à se réapproprier le réel pour l’ériger au rang d’objet d’art. C’est un recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire. Le mouvement a été créé en 1960 en France par le critique d’art Pierre Restany et un ensemble d’artistes signataires d’une tribune commune, dont Yves Klein ou Arman.

 

En réaction à l’abstraction, le Nouveau Réalisme s’inspire de la réalité quotidienne en incorporant dans les œuvres des objets du quotidien tels que des déchets, des affiches de publicités ou autres éléments trouvés dans la vie urbaine et issus de la société de consommation ou de l’industrie. Les artistes du Nouveau Réalisme se sont aussi bien réappropriés la peinture que la sculpture et d’autres formes d’art multimédia (accumulations d’Arman, tableaux-piège de Daniel Spoerri, compressions de César, les anthropométries de Klein…). 

Artistes du Nouveau Réalisme : Yves Klein, Arman, Jean Tinguely, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Niki de Saint Phalle…

Street Art (années 1960 à aujourd'hui)

Banksy, Girl with Balloon, 2002. Picture by Dominic Robinson

Comme son nom l’indique, le Street Art a choisi de faire de la rue sa toile. Avec l’environnement urbain public comme support d’expression, les œuvres street art étaient à  leurs débuts des créations éphémères et illégales. Aujourd’hui, l’appellation street art se veut plus large qu’à ses débuts, elle a transcendé le statut de graffiti dégradant l’espace public pour devenir l’une des formes artistiques les plus appréciées. Les villes commandent des fresques monumentales, les street artistes connaissent une popularité remarquable, à l’instar de Banksy, JR ou Space Invader.

 

Les techniques du street art sont aussi variées qu’il y a d’artistes et de “crew” : pochoirs, bombe aérosol, stickers, mosaïque, lettrisme… Malgré cette pluralité, le street art a pour ligne conductrice un rapport critique à la société. Il véhicule des messages sur des enjeux tels que le racisme, l’injustice sociale, ou plus récemment, la crise environnementale. 



Artistes Street Art : Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, Lady Pink, Dondi White, Futura 2000, Shepard Fairey (Obey), Banksy, Invader, Os Gemeos, JR, Swoon, ROA, Vhils, Aryz, RETNA, Faile, Stik, Pixel Pancho, Space Invader, 2501…

Fluxus (années 1960-1970)

 

Photo: Peter Butler. The Museum of Modern Art, New York.

La première manifestation de ce mouvement d’art contemporain a lieu en 1962 à Wiesbaden en Allemagne. Fluxus a été baptisé d’après le manifeste éponyme rédigé par le musicien lituanien George Maciunas et diffusé en 1963 à New York.

 

Dans l’héritage des dadaïstes, d’Allan Kaprow, de John Cage et de Marcel Duchamp, Fluxus se voulait anti-art, anti-commerce et anti-institutionnel. Tout le carcan traditionnel cherchait à être éclaté afin de désacraliser l’art. Pour ce faire, Fluxus a encouragé l’exploration de l’interdisciplinarité et les happenings tout en rejetant tous les matériaux traditionnels de l’art ainsi que sa dimension mercantile. C’est un état d’esprit et un art de vivre avant tout. 



Artistes Fluxus : George Maciunas, Yoko Ono, Nam June Paik, Dick Higgins, Alison Knowles, Ben Vautier, Joseph Beuys, George Brecht, Robert Filliou, Emmett Williams, La Monte Young, Charlotte Moorman, Wolf Vostell, Ken Friedman, Philip Corner, Ay-O, Daniel Spoerri...

Hyperréalisme (années 1960-1970)

Ron Mueck, Mask II, 2001

L'hyperréalisme est un mouvement artistique contemporain qui a émergé à la fin des années 1960 aux Etats-Unis. Le terme d’hyperréalisme est utilisé pour la première fois en 1973 par le galeriste belge Isy Brachot. Il se caractérise par la création d'œuvres d'art extrêmement réalistes qui ressemblent à des photographies en termes de détails, de précision et de technique.

 

Les artistes hyperréalistes s'efforcent de reproduire des portraits et des scènes de la vie quotidienne avec un degré de réalisme extrême, à l’aide de peintures ou de sculptures réalisées avec des matériaux industriels comme le silicone. La subjectivité de l’artiste n’a plus sa place dans cette traduction illusionniste du réel néanmoins étrange et fascinante. C’est une rupture totale avec l’abstraction alors en plein essor, tout en cultivant une position critique vis-à -vis de la société. 

 

Artistes hyperréalistes : Chuck Close, Audrey Flack, Ralph Goings, Robert Bechtle, Denis Peterson, Richard Estes, Tom Blackwell, Robert Bechtle, Clive Head, Roberto Bernardi, Ron Mueck…

L'art minimal (années 1960-1970)

Donald Judd. Untitled. 1986. © 2020 Judd Foundation / Artists Rights Society (ARS)

L'art minimal, également appelé minimalisme, est un mouvement artistique contemporain qui est apparu dans les années 1960 aux Etats-Unis. Il se caractérise par la simplification extrême des formes artistiques, l'utilisation minimale d'éléments visuels, et une approche conceptuelle du processus artistique. Les artistes minimalistes cherchent à réduire l'œuvre d'art à ses éléments essentiels, en éliminant tout élément décoratif ou expressif. Il se positionne en ce sens contre l’expressionnisme abstrait et le pop art en pleine émergence aux États-Unis. Il se veut l’héritier du Bauhaus ou du suprématisme avec pour devise “less is more”.

 

Les matériaux comme le fer ou la pierre sont laissés bruts. La géométrie y est centrale. Ces œuvres à l’esthétique épurée mettent en valeur l’espace et l’architecture et souhaitent se défaire de toute interprétation. C’est pourquoi l’art minimaliste a particulièrement influencé le milieu du design, et ce jusqu’à nos jours. On en retrouve un écho dans la musique minimaliste de Steve Reich ou Philip Glass, où la répétition possède un pouvoir hypnotique. 

 

Artistes minimalistes : Donald Judd, Agnes Martin, Frank Stella, Sol LeWitt, Carl Andre, Dan Flavin, Robert Morris…

Arte povera (années 1960-1970)

Michelangelo Pistoletto, Vénus aux chiffons, 1967

Le courant d’art contemporain Arte povera, ou art pauvre en français, a émergé dans l’Italie des années 1960. Marqué par un essor économique suivant le modèle consumériste américain, l’Italie connaît des tensions politiques et un courant de pensée alternatif en réaction avec la culture industrielle et sa glorification à travers le Pop art. De Turin et Rome jusqu’à toucher la scène internationale, l’arte povera a revendiqué une démarche sobre réfutant toute richesse ostentatoire de l'œuvre.

 

Elle se veut réduite à des compositions peu nobles comme le plastique, les feuilles d'arbre, le charbon ou les chutes de tissu. Contre la société productiviste, l’arte povera introduit l’idée de banalité et de simplicité dans le monde de l’art, en y réintroduisant la présence de l’humain et de la nature. Des matériaux primaires et des montages simples produisent une énigme visuelle qui donnent à voir l'œuvre comme expérience sensible et poétique. 

 

Artistes de l’Arte povera : Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Jannis Kounellis, Mario Merz, Michelangelo Pistoletto, Giuseppe Penone…

Néo-expressionnisme (1970-1980)

Die Mädchen von Olmo II (Les Filles d’Olmo II), 1981, Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris (© Georg Baselitz, 2021 - Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost / Dist. RMN-GP)

L’art conceptuel connaît son apogée entre 1966 et 1972. Défini par Sol Lewitt dans un essai, l’art conceptuel a connu ses prémices avec les ready-made de Marcel Duchamp. Ce ne sont alors plus les propriétés esthétiques de l'œuvre mais son idée, le concept, qui font qu’une œuvre d’art en est une. C’est en réaction contre cet éclatement de l’objet artistique qu’émerge le néo-expressionnisme dans les années 70, avant de connaître son apogée dans les années 80, en Europe et surtout aux Etats-Unis.

 

L’accent est alors mis sur l’expression personnelle, la puissance émotionnelle de l'œuvre, dans laquelle la gestuelle de l’artiste et la figuration retrouvent une place de choix. Les couleurs et les gestes sont vifs, les thématiques, intimes et sensibles. En parallèle, émergent aux Etats-Unis les tendances similaires du “Bad painting” et de “Figuration libre” en France. La représentation mimétique du réel ne prévaut pas sur l’authenticité de la vision de l’artiste qui ne cherche pas à faire du “beau”. 

 

Artistes néo-expressionnistes : Jean-Michel Basquiat, Julian Schnabel, Anselm Kiefer, Georg Baselitz, David Salle, Francesco Clemente, Eric Fischl…

L’art ultra contemporain

Loie Hollowell, Boob Wheel in blue and yellow

Pour conclure cette liste non exhaustive de mouvements majeurs de l’art contemporain, place à l’art dit “ultra contemporain”. Protéiforme et encore difficile à délimiter, l’art ultra contemporain regroupe les productions artistiques les plus récentes. Principalement issues de ces dernières décennies, voire du 21e siècle ou d’artistes de moins de 40 ans, les œuvres ultra contemporaines battent tous les records de ventes sur le marché de l’art.

 

Peinture, photographie, art vidéo, art numérique, art conceptuel, tissage… Tous les médiums sont sollicités par ces nouvelles générations d’artistes qui sont le reflet des mutations sociales et technologiques de notre temps, tels que les NFT. De nouvelles tendances émergent, à l’instar de l’art afro et de l’art féminin, témoins d’une volonté d’engagement auprès des communautés et causes longtemps délaissées par le monde de l’art. 


Artistes ultra contemporains : Matthew Wong, Dmitri Cherniak, Loie Hollowell, Jadé Fadojutimi, Avery Singer, Tyler Hobbs, Ewa Juszkiewicz, Liang Hao, Lucy Bull...

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Cover © Anish Kapoor, "My Red Homeland", 2003. DACS / ADAGP, Paris 2017